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Index des articles > Articles de presse > UN BEL ARTICLE DU CANADA

 
 
UN BEL ARTICLE DU CANADA
 
 

Article posté par ΩFrançois.
Paru le mercredi 23 août 2006 à 06:07
Vu 5081 fois.

UN BEL ARTICLE DU CANADA



Camille Meunier, 62 ans, élève des pigeons voyageurs depuis près de 50 ans. bilde.jpg Derrière son bungalow en banlieue de Montréal, un imposant pigeonnier abrite une centaine d'oiseaux. La passion d'un colombophile Émilie Dubreuil La Presse Collaboration spéciale À l'heure du téléphone satellite et des messageries instantanées, il existe toujours des amateurs de pigeons voyageurs qui les élèvent et participent à des courses. On les appelle les colombophiles. Assis sur un banc dans le parc La Fontaine, l'écrivain Bryan Perro évoque avec émotion les prouesses passées de Mussolini, Salazar et Tito, ses idoles ailées aujourd'hui disparues. «Allez savoir pourquoi, je leur avais donné des noms de dictateurs. Mussolini et Salazar se défendaient bien, mais le meilleur, le plus décidé, c'était Tito, il était gris, rapide et agressif: un vrai gagnant! Cet oiseau-là, je le regrette encore!» On pense que ce sont les Turcs et les Arabes qui, les premiers, ont utilisé les pigeons voyageurs pour communiquer avec leurs alliés durant les croisades. Ainsi, du VIIIe siècle jusqu'à la Seconde Guerre mondiale, ces oiseaux, qui ressemblent à s'y méprendre aux pigeons qu'on retrouve dans les villes, ont servi de messagers à l'humanité. L'évolution des technologies de communication a, bien sûr, rendu caduque l'utilisation du pigeon voyageur à des fins de communication, mais il se trouve encore, un peu partout dans le monde, des amateurs de pigeons voyageurs qui les élèvent et les font participer à des courses. On les appelle les colombophiles. L'auteur d'Amos Daragon fait partie de cette race particulière en voie de disparition. Pendant plusieurs années, Bryan Perro s'est occupé de ses pigeons voyageurs tel un entraîneur olympique. Il a surveillé leur diète, les a bichonnés, a observé leurs progrès. Il a tout fait pour pousser les plus talentueux à se dépasser et les moins forts à prendre confiance en eux. Après tout, la colombophilie est un sport sérieux, et les pigeons voyageurs, de véritables athlètes qui parcourent des centaines de kilomètres sans jamais s'arrêter. «J'étais fasciné par ce sport qui se situe à mi-chemin entre le métier d'agriculteur et celui d'entraîneur sportif. En prenant mon café, je lâchais mes pigeons pour leur entraînement matinal, c'était magnifique de voir tous ces oiseaux voler autour de chez moi. C'est la vision d'une certaine liberté, des animaux qu'on possède sans les posséder, à la fois libres et attachés.» Comme bien des passions, la colombophilie exige qu'on y mette du temps. Camille Meunier, 62 ans, élève des pigeons voyageurs depuis près de 50 ans. Derrière son bungalow en banlieue de Montréal, un imposant pigeonnier abrite une centaine d'oiseaux. «La colombophilie est en quelque sorte un esclavage. Difficile de s'absenter pour une fin de semaine d'amoureux... Les gardiennes sont rares! Avoir des pigeons voyageurs implique un travail quotidien: il faut les nourrir, nettoyer le colombier, encadrer l'entraînement.» Sélectionner les champions Dans le petit monde sélect de la colombophilie québécoise, cet ingénieur à la retraite fait figure de proue. Il a fondé en 1989 l'association des colombophiles du Québec qui regroupe aujourd'hui une dizaine de clubs dans la province. M. Meunier peut se targuer de posséder parmi les pigeons voyageurs les plus performants du Québec. Et ce n'est pas un hasard. «Les manipulations génétiques constituent l'essence même de la colombophilie. Au début de la saison, il faut déterminer les sujets que l'on garde et ceux qu'on élimine. Le plus important est de planifier des accouplements stratégiques pour créer une génération plus performante que la précédente. On essaie toujours d'améliorer les capacités mentales, le sens de l'orientation et, surtout, la qualité des ailes des pigeons.» Camille Meunier prend un soin jaloux de ses pigeons, il les nourrit avec ce qu'il y a de meilleur sur le marché et nettoie son colombier de façon presque maniaque. Car, pour gagner les courses, il ne suffit pas d'avoir des pigeons avec un bon bagage génétique, encore faut-il qu'ils soient en super forme! Et M. Meunier aime bien voir ses pigeons victorieux. Du mois de mai au mois de septembre, les divers clubs de colombophiles organisent des courses hebdomadaires. Le vendredi soir, si le temps le permet, les membres se donnent rendez-vous au club avec leurs pigeons. Là, on leur installe une bague à la patte. Une fois les oiseaux identifiés, on les dispose dans un panier et on les amène là où ils seront relâchés. Toronto, Trois-Rivières ou Ottawa, peu importe! Le lendemain matin, le convoyeur libère les oiseaux à une heure précise, et chaque pigeon rentre chez lui. D'ailleurs, c'est tout ce qu'un pigeon sait faire: rentrer chez lui! À l'arrivée, le propriétaire du pigeon glisse la bague témoin dans une horloge électronique qui indique l'heure exacte d'arrivée, ce qui permet d'établir, par un savant calcul - la distance parcourue divisée par le temps du voyage -, la vitesse du pigeon. Le repas est servi! Avant de faire parcourir ce genre de distances aux pigeons voyageurs, il faut d'abord les éduquer. «Le retour des pigeons à leur colombier repose essentiellement sur le conditionnement. C'est le principe du chien de Pavlov. Les pigeons doivent associer le retour au colombier à la nourriture. On commence donc par les lâcher tout près de la maison puis on s'éloigne peu à peu. Lorsque les pigeons arrivent, on siffle pour leur dire que le repas est servi à l'intérieur du colombier, là où on peut récupérer la bague», explique Bryan Perro. Malgré sa longue expérience, Camille Meunier est toujours aussi excité de voir revenir ses oiseaux athlètes. Aucun entraînement, même rigoureux, ne peut garantir le comportement d'un oiseau. «Que vous fassiez le premier prix ou que fassiez patate, le véritable trip, c'est de voir les pigeons revenir au colombier. À chaque course, on risque d'en perdre un, soit parce qu'il s'est égaré, soit parce qu'il a été attaqué par un oiseau de proie, soit, encore, parce que le pigeon a décidé qu'il en avait assez. Ça m'est déjà arrivé qu'un pigeon ne rentre qu'un mois après une course. Il s'est posé sur le balcon pour me narguer. Quand j'ai voulu le faire rentrer, il s'est envolé. Un peu comme s'il voulait me dire qu'il était capable de rentrer, mais qu'il n'avait plus envie de vivre avec moi. Je ne l'ai jamais revu.» Le p'tit gars en soi Que ce soit au Québec ou en Europe, où la colombophilie est beaucoup plus développée qu'ici, la majorité des amateurs sont des hommes. Selon M. Perro, cette domination masculine du sport s'explique facilement. «Il y a un truc là-dedans qui va chercher l'instinct du petit garçon dans l'adulte. C'est un peu comme faire rouler des petites voitures, mais vivantes. C'est super. On se retrouve entre hommes, mais on peut exprimer notre côté p'tit gars!» Camille Meunier abonde dans son sens. Il estime que sa passion des pigeons voyageurs lui vient du désir qu'ont tous les enfants, un jour ou l'autre, de voler. «La plupart des colombophiles ont commencé très jeunes, moi j'avais 12 ans. Ça correspond peut-être à un désir inassouvi de liberté, la liberté de voler.» Pour les colombophiles, cet oiseau qui roucoule mérite notre plus grand respect. Le pigeon voyageur est, dans plusieurs sociétés, symbole de paix et, surtout, de communication. Au Canada, une loi fédérale promulguée en 1943 protège d'ailleurs ces oiseaux pour services rendus à la nation. Quelques colombophiles ont été décorés pour avoir mis leurs oiseaux au service de la patrie! Cette loi met les colombophiles à l'abri de plaintes éventuelles. «Quand j'avais mes pigeons dans mon appartement, mes collègues du club m'avaient rassuré en me disant que si les voisins se plaignaient... nous avions la loi de notre côté», se souvient M. Perro. Depuis quelques années, le nombre de colombophiles est en déclin un peu partout dans le monde, sauf en Chine, où le sport se développe à une vitesse effarante. On y compte aujourd'hui plus d'un demi-million d'amateurs. Au Canada, il n'y aurait plus qu'environ 2000 personnes qui s'adonnent à la colombophilie. Résultat de cette désaffection: les colombophiles sont de plus en plus vieux, la relève se fait rare et les compétitions plus compliquées à organiser puisque les amateurs vivent plus loin les uns des autres. Malgré cette tendance lourde, Camille Meunier garde espoir: «On ne sait jamais à quel moment une activité démodée renaîtra de ses cendres. Je suis certain qu'un jour ou l'autre, le nombre de colombophiles recommencera à augmenter.» Bryan Perro, dont l'équipe a été décimée par des oiseaux de proie, espère quant à lui que les meilleurs pigeons voyageurs du pays puissent s'illustrer sur la scène internationale. «Ça nous ferait du bien d'avoir des champions pour une fois!»
 
 
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