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Index des articles > Les articles de nos chroniqueurs > Le Hollandais Volant

 
 
Le Hollandais Volant
 
 

Article posté par +jpdelmarle.
Paru le lundi 18 mai 2015 à 10:58
Vu 1374 fois.
Note : etoiles3 (1 vote)

Le Hollandais Volant



Un vaisseau fantôme en colombophilie ? Quoi que la colombophilie, sur le mauvais sentier comme elle est embarquée, pourrait bien y ressembler à un vaisseau dont tous les occupants ont préféré passer par-dessus bord avant que ce dernier finisse par couler…
Non, cette fois, il faut prendre cela dans un autre sens. Un sens se rapprochant plus de la colombophilie proprement dite, comme pour mieux affirmer que celle-ci peut apporter son lot de surprises et que celui qui croit tout savoir n’est pas encore de ce monde. Je vais donc vous conter l’histoire d’un petit pigeon pas comme les autres, l’un de ces oiseaux venant bousculer nos certitudes parfois si bien établies.
J’avais profité d’un site hollandais afin de passer une petite annonce gratuitement. Aussi, et pour les en remercier à ma manière, lorsqu’ils firent une vente de bons afin de leur ramener un peu d’argent, j’avais fait quelques enchères sur différents amateurs. Pour la modique somme de trente euros, je me suis ainsi retrouvé propriétaire du bon d’un certain Jan Vorselen de Thorn. Ma première intention était de payer, mais de ne pas m’y rendre. J’estimais que les trente euros valaient bien le service rendu. Finalement, disposant d’un jour de congé et étant seul à la maison, j’ai décidé d’y aller un jour de janvier dernier.
Thorn est appelée la ville blanche, le coin est splendide et la route jusque ce bel endroit fut calme et tranquille. J’aime assez me promener en voiture quand j’ai le temps de découvrir les paysages et, dans le même temps, m’évader en laissant divaguer mon esprit au gré des kilomètres de bitume avalés. On accède chez Vorselen par une petite route, presqu’un chemin de terre. Une vieille maison, en très bon état, un peu comme ces maisons bourgeoises d’un autre temps.
Dès l’entrée dans la demeure, j’avais l’impression de me retrouver à Bokrijk, comme si le temps s’était arrêté. La petite dame me fit asseoir en attendant d’aller chercher son époux. Tout respirait la quiétude, j’avais envie de m’enfoncer tout au fond du divan et de fermer les yeux. Même les odeurs participaient à installer ce doux état.
Mon hôte arrivé, nous sommes allés dans un grand hangar où se trouvait un panier de pigeons. Alors que je m’attendais à me voir présenter l’un ou l’autre jeune, voici que le choix m’est donné entre trois tardifs. Deux de sang Aarden et un autre de souche Vanbruaene via les frères T’Jolijn. Aucun des trois oiseaux ne me plaisait, mais la couleur du mâle Vanbruaene finit par me convaincre. Dans mon esprit, à la première occasion, il passerait à la casserole avec les oiseaux n’ayant pas réussi une mue parfaite à la maison.
Problème supplémentaire en rentrant chez fut est le fait que plus aucun pigeon qui ne vole pas au domicile n’est gardé. Durant les quatre jours qui suivirent, je prenais donc le soin d’attraper mon cadeau empoisonné que je gardais en main pendant la libération de mes ouailles pour la volée journalière. Le cinquième jour, j’en avais déjà assez de cavaler après cet idiot et, par la même occasion, d’épouvanter les autres pigeons de la volière. Liberté fut donc donnée à toute la colonie, y compris le hollandais. Bizarrement, il s’engouffra dans la troupe et prit part à l’exercice comme s’il avait toujours habité chez moi. Mieux même, il se posa sur la volière avec les autres. Quand tous furent rentrés, il repartit comme s’il avait le diable aux trousses et il disparut au loin. Pas de pigeon le soir. Le lendemain, en rentrant du boulot, une ombre dans le spoutnik… Le fameux petit pigeon hollandais… En un peu plus de quatre jours de présence à la maison, il avait déjà repéré l’endroit. Il vola ainsi durant les trois mois qui suivirent.
Mettant mes vieux en route et désireux de tester jusqu’où ce petit tardif pourrait pousser mon étonnement, je l’engage avec les veufs sur Nanteuil, soit près de deux cents kilomètres. La seule fois qu’il était entré dans un panier jusque-là était celle où j’étais allé le chercher aux Pays-Bas. Il revint convenablement et aurait été classé s’il avait été engagé pour prix. Là, mon étonnement était tout de même à son comble, mais il n’avait pas encore fini de surprendre. Ayant accouplé mes femelles de jeu à des yearlings, il se fait que l’un de mes meilleures était battue comme plâtre par l’idiot ne comprenant rien aux femmes. N’ayant d’autre mâle de réserve, je me suis alors dit que le hollandais pourrait faire l’affaire. Je l’installe au pigeonnier de jeu et il reçoit de la sorte pour la première fois un casier. De suite, il tombe amoureux de la belle, descend de son casier pour aller chiper quelques graines à la mangeoire et remonte illico dans le compartiment que je lui avais attribué dix minutes auparavant. Le soir il prit part à la volée et ne marqua aucune hésitation à rentrer dans son nouvel habitat. Trois jours plus tard, je l’engage sur Melun, un concours difficile puisque lâché dans de mauvaises conditions par des (ir)responsables et là voici qu’il arrive à la fine pointe du concours, il devrait être dans les cinq premiers.
Voilà assurément un pigeon qui vient bousculer bien des théories et qui est certainement une réelle exception, un pigeon doté d’une intelligence supérieure à la moyenne. Qu’un petit tardif n’ayant mué que quatre plumes, ayant volé durant quatre mois à son colombier natal et réussissant pareil exploit à deux cents kilomètres de son ancien domicile est tout simplement extraordinaire. Certainement une exception, mais surtout une petit oiseau qui vient bousculer certaines certitudes et qui rend la pratique de la colombophilie bigrement plus intéressante encore.