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Lu sur HISTORIA MENSUEL
 
 

Article posté par ΩFrançois.
Paru le mercredi 4 juillet 2007 à 11:18
Vu 2696 fois.

Lu sur HISTORIA MENSUEL




Moments d\'Histoire


Depuis l\'Antiquité
Voyageur, le pigeon est un héros !

Ces braves volatiles, dont la qualité principale est de toujours revenir à leur colombier, ont très tôt été utilisés par les hommes pour transmettre des messages. Surtout en temps de guerre, les coursiers du ciel font merveille.

Par Victor Battaggion

Perché à 162 mètres sur les hauteurs de Suresnes, près de Paris, le mont Valérien est surtout connu pour son Mémorial, son fort construit à partir de 1841 et pour le splendide panorama qu\'il offre sur la capitale. Et pourtant, ce ne sont pas les seules raisons qui justifient le détour. Car, au sommet de la butte, au siège du 8e régiment de transmissions de l\'armée française, le fort abrite un musée de la Colombophilie militaire. Impossible de s\'égarer, il suffit de suivre les roucoulements. Sur place, le sergent Bek, le sourire aux lèvres, sort du petit bâtiment et se charge de l\'accueil : « Bienvenue dans l\'un des derniers colombiers militaires d\'Europe ! » A l\'intérieur, l\'ordre et la propreté sont de règle. Le musée, une seule pièce tapissée de tableaux et d\'objets à l\'effigie du pigeon voyageur, retrace l\'histoire de la colombophilie, avec une large place laissée aux activités militaires.

Cet oiseau résulte de croisements entre plusieurs espèces : culbutants, volants, hirondelles, cravatés, carriers, etc. Son histoire est truffée d\'anecdotes cocasses et passionnantes qui soulignent son instinct infaillible et son étonnante capacité à voler sur de longues distances et à revenir à son point de départ. Le plus célèbre exemple est celui de la Bible (Le Déluge, Genèse 8, 9) dans lequel Noé lâche une colombe, qui revient à lui avec un rameau d\'olivier alors que les eaux recouvrent encore la terre.

On retrouve la trace de ses plumes dès l\'Antiquité. Utilisés par les Egyptiens, les Perses et les Grecs pour transmettre des messages de différentes natures, les pigeons voyageurs connaissent leurs premières heures de gloire à l\'époque romaine. D\'un bout à l\'autre de l\'Empire, ils servent en temps de guerre comme en temps de paix. Pline l\'Ancien en témoigne dans son Histoire naturelle (Livre X, 37) : « Ils ont même fait office de messagers dans des opérations importantes ; pendant le siège de Modène [en 43 av. J.-C.], Decimus Brutus fit parvenir dans le camp des consuls des lettres attachées aux pattes des pigeons. A quoi servirent à Antoine son retranchement, la vigilance des assiégeants et même les filets barrant le fleuve, puisque le courrier passait dans le ciel ? »

Les Romains ont été, également, pris d\'une véritable passion pour ces volatiles. Que ce soit pour avertir les propriétaires de la victoire de leur attelage lors des courses de chars ou pour envoyer un message d\'ordre privé, ils sont devenus un élément indispensable, pour ne pas dire « tendance ». De gigantesques pigeonniers pouvant contenir de quatre mille à cinq mille oiseaux sont construits sur l\'ensemble des territoires de la Pax romana et certaines espèces, comme les pigeons de Campanie (région au sud de l\'Italie), ont une telle réputation que l\'on se les arrache sur les marchés malgré leur prix exorbitant. L\'écrivain latin et auteur du Res rusticae, Varron (Marcus Terentius Varro), explique qu\'un couple de pigeons de bonne race se vend à 200 sesterces, que ceux d\'élite peuvent atteindre 1 000 sesterces et que le chevalier romain L. Axius a même refusé de vendre une paire de pigeons à moins de 400 deniers. Pour information, un ouvrier vivait un an avec à peu près 250 deniers (soit 1 000 sesterces) et un litre de vin ordinaire valait un sesterce.

Au IXe siècle, sous le règne de Charlemagne, leur élevage devient un privilège nobiliaire. Il faudra attendre la Révolution française pour que celui-ci soit aboli. Il n\'y a donc que les châteaux et les abbayes qui puissent se doter de leurs propres messagers. Loin d\'être une exclusivité occidentale, la poste par pigeons est également utilisée au Moyen-Orient. Lors des croisades, les chrétiens s\'aperçoivent que les « infidèles » s\'en servent eux aussi. Au XVIe siècle, dans son poème épique La Jérusalem délivrée, le poète italien Le Tasse prétend même que c\'est grâce à l\'interception de l\'un d\'eux par un faucon (sorte d\'intervention divine), que Godefroi de Bouillon a hâté le siège de Jérusalem et qu\'il a ainsi remporté la victoire. Pour les croisés, force est de constater que les principales villes sont reliées entre elles par un véritable réseau de « distribution » qui permet aux sultans d\'être informés de tout ce qui se passe sur leurs terres. La Poste des sultans d\'Egypte, d\'un certain M. Thième, révèle que le sultan d\'Egypte et de Syrie, Nûr al-Dîn (1116-1174), possède des pigeons hors de prix, capables de franchir de longues distances, comme celle de Damas au Caire.

Tout au long des siècles, les messagers ailés sont constamment utilisés comme « transport express ». Et les exemples sont légion. Qu\'il s\'agisse d\'avertir le sultan du Caire du débarquement de Saint Louis à Damiette (1249) ou de prévenir la ville hollandaise de Leyde (1575) - alors assiégée par Francisco de Valdès - que « les digues de la Meuse et de l\'Issel [seront] bientôt percées », les volatiles savent se rendre utiles. Ce que l\'on sait moins, c\'est que les financiers français, belges et anglais du début du XIXe siècle les utilisent pour porter les ordres de Bourse et les dépêches des banquiers.

Dans Les Télégraphes, A. L. Ternant dévoile que c\'est de cette manière, licite à l\'époque mais qui aujourd\'hui constituerait un délit d\'initié, que les Rothschild ont fait fortune. Possédant une poste par pigeons voyageurs qui leur permet de connaître les nouvelles avant tout le monde, la famille reçoit, en 1815, une information d\'importance : Napoléon Bonaparte a été battu à Waterloo. Informés avant le gouvernement de Londres, les banquiers ont le temps d\'acheter des actions et des titres à très bas prix. Mais ce n\'est pas tout. Alors que la nouvelle, tant attendue, est enfin transmise par le sémaphore anglais, elle est malencontreusement interrompue par le brouillard après les mots Wellington defeated, « Wellington est vaincu ». L\'Angleterre croit alors à la défaite de son général et voit sa Bourse s\'effondrer. Tandis que les plus désespérés essayent de se débarrasser de leurs actions dépréciées, les Rothschild, quant à eux, les rachètent à tour de bras... Jusqu\'à ce que le brouillard se lève et laisse apparaître la fin de la dépêche : Wellington defeated the French at Waterloo : « Wellington a vaincu le Français à Waterloo. »

Les pigeons s\'illustrent encore lors à la guerre franco-allemande de 1870-1871. Pendant le siège de Paris, entre le 18 septembre et le 28 janvier, 64 ballons chargés de pigeons voyageurs quittent la capitale pour acheminer le courrier par la voie des airs. Une fois arrivés derrière les lignes ennemies qui encerclent la capitale, les volatiles sont récupérés, munis de dépêches, puis relâchés. Il suffit ensuite d\'attendre que leur instinct les ramène à leur point de départ - leur colombier - pour que les nouvelles de la province et du PC établi à Tours parviennent aux Parisiens.

D\'abord écrites à la main, les dépêches sont très rapidement miniaturisées par un procédé inventé par le photographe René Dagron. En utilisant les techniques de l\'ingénieur Fernique, il fabrique l\'ancêtre du microfilm : une pellicule de 3,5 mm2 pouvant contenir 3 000 messages. Une fois arrivées à Paris, les pellicules sont projetées sur un écran par l\'intermédiaire d\'un microscope photoélectrique appelé « lanterne magique ». Ce nouveau moyen de communication rencontre un tel succès que, le 7 novembre 1870, la délégation du gouvernement de la Défense nationale décide d\'en faire profiter les particuliers pour « leur relations avec la capitale ». En quelques mois, 115 000 dépêches officielles et plus d\'un million de messages privés sont aéropostés.

Au cours des deux guerres mondiales, les « coursiers du ciel » sont à nouveau mobilisés dans les deux camps. L\'armée française, consciente de leur importance, améliore sa technique de liaison, dès 1914, en transformant des camions Berliet en pigeonniers mobiles de campagne, les Arabas. Se déplaçant selon les lignes fluctuantes du front, ils permettent de mettre rapidement en place une base de transmission efficace. Au cours de cette période, certains pigeons voyageurs sont même munis de petits appareils photo à déclenchement automatique pour prendre des clichés des retranchements ennemis.

Jusqu\'alors considérés comme de simples messagers, ces volatiles sont honorés au même titre que les soldats, ou que les agents espions. Le plus connu d\'entre eux est Vaillant, matricule 787.15. Dernier pigeon du commandant Raynal, il est lâché depuis le fort de Vaux le 4 juin 1916 pour apporter à Verdun le message suivant : « Nous tenons toujours, mais nous subissons une attaque par les gaz et les fumées très dangereuses. Il y a urgence à nous dégager [...]. C\'est mon dernier pigeon. » L\'oiseau accomplit courageusement sa mission, transmet les renseignements et sera ensuite cité à l\'ordre de la Nation.

Durant la Seconde Guerre mondiale, pas moins de 16 500 pigeons anglais sont parachutés sur le sol français afin de rapporter au commandement allié des renseignements sur les positions ennemies fournis par la Résistance. Les Allemands, qui connaissent bien ce système de communication pour l\'avoir également pratiqué, dressent des faucons afin de les intercepter en plein vol.

Changement d\'époque, changement d\'image : aujourd\'hui le portrait des pigeons est bien moins reluisant. Familiers de nos villes, ce ne sont plus que des convoyeurs de parasites et des squatteurs d\'immeubles. Quelle ingratitude ! L

En complément
Musée de la colombophilie militaire du Mont-Valérien, contacter l\'adjudant Philippe Ouvrard ou le sergent Bek. Téléphone : 01 41 44 52 13.
Première région colombophile française, le Nord-Pas-de-Calais vous invite à voir un de leurs nombreux championnats de l\'été. Téléphone : 03 20 55 10 17. Internet : http://asso.nordnet.fr/messager/
 
 
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