Lu dans le Figaro

L'étude du génome des volatiles champions a montré que leurs performances tiennent à un ensemble de gènes.

Bien avant la survenue d'Internet et du Wifi, avant même le téléphone et le télégraphe, les pigeons voyageurs étaient utilisés par les marins égyptiens pour annoncer leur retour au port, par les Grecs pour annoncer le vainqueur des Jeux olympiques antiques, par Charles Martel après la bataille de Poitiers, par les premiers quotidiens américains et l'agence Reuters pour transporter les nouvelles de Washington, par les militaires (30.000 pigeons utilisés par les Français pendant la Première Guerre mondiale, des milliers de pigeons londoniens parachutés dans les rangs de la Résistance pendant la Seconde). Sans oublier Noé qui lâcha un pigeon de son arche, lequel revint avec un rameau d'olivier synonyme de terre émergée. Bichonnés, sélectionnés depuis plus de deux siècles, certains ont des pedigrees à faire pâlir les chiens ou les chevaux de race. Les pigeons voyageurs ont leurs as, qui peuvent valoir plusieurs milliers d'euros, voire exceptionnellement une centaine de milliers d'euros. Les meilleurs sont capables de rentrer «chez eux» en parcourant 1000 km à 70 km/h avec des pointes à 120 km/h.

Des chercheurs de l'université de Porto se sont demandé s'il y avait un gène de la performance du pigeon voyageur. Ce qui pourrait permettre d'améliorer encore la race. Le résultat de leurs investigations, publiées dans la revue Molecular Biology and Evolution, montre que les choses sont plus compliquées qu'on ne le pensait.

Une combinaison unique de caractéristiques donne au pigeon voyageur d'élite sa rapidité, son endurance et son sens de l'orientation

Malgorzata Anna Gazda et ses collègues, sous la houlette de Miguel Carneiro, ont analysé la totalité des génomes de dix pigeons de compétition et les ont comparés d'une part entre eux, et d'autre part avec ceux de trente-cinq pigeons «lambdas». Ils ont passé en revue 17.425.765 gènes et leurs variants. Résultat, les pigeons voyageurs de compétition ont bien des génomes propres, différents des volatiles non-compétiteurs. «Nos résultats montrent que la combinaison unique de caractéristiques qui donne au pigeon voyageur d'élite sa rapidité de vol, son endurance supérieure et sa navigation si précise ne résulte pas de quelques gènes agissant comme des interrupteurs majeurs, affirme ainsi Malgorzata Gazda. Ce qui compte, c'est une architecture polygénique complexe qui stimule le génome de base disponible de la race issue de la sélection. Mais nous avons ainsi un petit catalogue de gènes qu'il faut favoriser.»

Il y a en effet quelques gènes qui ont été repérés comme étant importants. Ainsi celui impliqué dans les jonctions neuromusculaires, qui conditionne le fonctionnement et la performance des muscles ; ou celui qui contrôle la lipogenèse hépatique (synthèse des acides gras), déterminante pour le maintien de l'homéostasie énergétique (le rapport entre apport et consommation d'énergie du corps) ; ou celui qui règle la «puissance» des synapses neuronales de l'hippocampe, associé semble-t-il à la mémoire spatiale et au sens de l'orientation des oiseaux.

À côté de ces variants un peu plus performants, les chercheurs estiment que ce sont surtout des variations de la régulation d'expression des gènes qui vont conférer leurs performances aux as. Donc la sélection par reproduction de «champions» a créé une combinaison de nombreux gènes un peu plus performants et «mieux» régulés.

Pour autant, le meilleur des pigeons voyageurs n'est qu'un pigeon comme un autre s'il n'est pas correctement élevé et entraîné. «Nos pigeons sont entraînés dès 3 mois, indique Jean-Jacques Dupuis, président de la Fédération colombophile française. Ils deviennent très vite des athlètes de haut niveau par rapport aux autres pigeons et sont capables de voler sur des centaines de kilomètres à des vitesses comprises entre 60 et 120 km/h.» Leur arrive-t-il de ne pas rentrer au pigeonnier? «Oui, cela arrive, mais c'est rare, reconnaît le colombophile. Ils perdent parfois leur chemin à cause des conditions atmosphériques. Mais ce sont les rapaces qui posent le plus de problèmes.» La France tient un bon rang dans les compétitions internationales et elle a déjà été plusieurs fois championne du monde. Cette compétition a lieu cette année à la fin du mois de mars, à Taïwan. Vingt jeunes pigeons arrivés de France fin décembre 2017 se sont entraînés sur place. Allez les Bleus!


Sujet écrit par ColombierMaindrelle le mardi 20 mars 2018 à 11:21

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