La colombophilie made in Morocco prend doucement son envol

mini_20022704351774537.jpg Rabat – En interviewant ses adeptes, ils nous ont assurĂ© qu’il s’agit d’une activitĂ© qui gagne en popularitĂ© et en performance. En approchant les concernĂ©s -les joueurs- pour recueillir leur avis, on n’a reçu, pour toute rĂ©ponse, que des roucoulements et des battements d’ailes. Bienvenue dans le monde merveilleux des pigeons de course ! Ces coureurs professionnels sont uniques. Vous ne les verrez ni sur les podiums des Jeux Olympiques ni dans le JT, seulement dans le ciel, leur vaste royaume et terrain de jeu qu’ils traversent tel un Ă©clair, dĂ©sinvoltes, majestueux et inaccessibles dans leur fulgurante et somptueuse lancĂ©e ! Rois de l’azur, les pigeons voyageurs sont adulĂ©s par une large communautĂ© de fans, juvĂ©nile par excellence. C’est d’ailleurs l’un des points forts de la colombophilie sous ciel marocain: alors qu’au Vieux continent cette activitĂ© Ă  mi-chemin entre loisir et jeu de hasard est en perte de vitesse, Ă©tant principalement exercĂ©e par des retraitĂ©s, au Maroc elle prend doucement mais sĂ»rement son Ă©lan grâce Ă  une large base d’amateurs jeunes, passionnĂ©s et dotĂ©s d’un esprit de bĂ©nĂ©volat, de discipline et de compĂ©tition hors du commun. La “Botola” des pigeons se dĂ©roule d’habitude entre janvier et mai. “Le reste de l’annĂ©e, les volatiles sont en Ă©tat de repos”, prĂ©cise Ă  la MAP Mohsine Bouzoubaâ, prĂ©sident de l’association Bidaouia de colombophilie. Repos pour les volatiles, mais aucun rĂ©pit pour leur propriĂ©taire qui doit rester aux petits soins, cĂ´tĂ© alimentation, hygiène et confort. Tout cela demande un investissement consĂ©quent en termes de temps, mais aussi d’argent. Ce n’est que le jour de la course que le maĂ®tre aura droit (ou pas) Ă  un retour sur investissement. Munis de chronomètres spĂ©ciaux qui enregistrent l’heure de dĂ©part, les compĂ©titeurs lâchent, depuis le mĂŞme point et d’un seul Ă©lan, leurs mignons “joueurs” qui portent aux pattes des bagues contenant un code barre secret. Le nombre des volatiles lâchĂ©s est fonction de l’envergure de la course (Ă  l’Ă©chelle d’une ville, d’une rĂ©gion ou du pays) et des ressources des associations participantes. Haj Hassan, un vĂ©tĂ©ran qui a roulĂ© sa bosse dans les courses des pigeons, se rappelle qu’il y a quelques annĂ©es, lors d’un “derby” (Eh oui, les colombophiles ont le leur !), quelque 38 mille volatiles ont Ă©tĂ© lâchĂ©s d’un seul coup lors d’une course Ă  partir d’Essaouira. Un record. “Il pleuvait des oiseaux, ce jour-lĂ  !”, raconte-t-il Ă  la MAP, affirmant qu’”une compĂ©tition Ă  l’Ă©chelle de l’Europe par exemple atteint Ă  peine ce chiffre”. De retour chez-lui, le compĂ©titeur a les nerfs Ă  fleur de peau pendant les quelques jours que dure la course. Ses yeux suspendus au ciel, il n’arrĂŞte pas de murmurer des prières dans l’espoir de voir ses “princes des nuĂ©es” surgir des gros nuages. Si le volatile revient, c’est la fiesta et les retrouvailles en larmes. Mais s’il se fourvoie ou succombe aux alĂ©as de la route (chaleur, froid, fatigue, faim, prĂ©dateurs, braconnage…), alors c’est un deuil dont le colombophile ne se remet pas de sitĂ´t. Les champions sont ceux qui arrivent les premiers. Leurs maĂ®tres, sur un petit nuage, alertent aussitĂ´t un centre d’appel dĂ©diĂ© en lui communiquant le code figurant sur la bague. Sur plusieurs milliers d’oiseaux partis, seules quelques centaines reviendront “home” sains et saufs. Plus la distance est longue, moins sont les chances du maĂ®tre de revoir ses chers compagnons. C’est un fait dont les “moulou’ine” sont parfaitement conscients et qu’ils assument pleinement. Tous vous diront que cela fait partie des risques et du “charme” du jeu et que l’immense plaisir qu’ils tirent de ce hobby vaut tous les sacrifices. C’est que leur motivation n’est pas du tout pĂ©cuniaire. Si, sous d’autres cieux, le “mercato” des pigeons champions de courses fait carton plein et fait gagner des fortunes Ă  leurs propriĂ©taires (en 2019, le pigeon flamand Armando a Ă©tĂ© vendu Ă  plus de 1,25 million d’euros au cours d’une vente aux enchères en ligne, devenant l’oiseau le plus cher de son espèce au monde), au Maroc ce marchĂ© n’existe pratiquement pas. “C’est comme si tu mettais aux enchères un membre de ta famille. La honte, quoi !”, martèle Haj Hassan. Et c’est loin d’ĂŞtre une mĂ©taphore: Ă  force de les frĂ©quenter, les couver, les dresser et les regarder partir loin lors des lâchers pour toujours revenir au bercail, un colombophile dĂ©veloppe un rapport quasi-filial avec ses pigeons. L’autre Ă©lĂ©ment qui rend les colombophiles marocains si spĂ©ciaux: leur sens Ă©levĂ© d’auto-organisation et d’entraide. Il s’agit d’une communautĂ© très soudĂ©e oĂą les juniors apprennent les règles de l’art des mentors, par contact direct ou via des forums de discussion, des pages Facebook rĂ©gulièrement actualisĂ©es ou des vidĂ©os-guides qui regorgent de conseils, astuces et modes d’emploi (comment identifier les meilleures races, bien doser le rĂ©gime alimentaire, dĂ©velopper la musculature, rĂ©ussir un programme d’entraĂ®nement…). Bref, une petite sociĂ©tĂ© passionnĂ©e, collaborative et auto-disciplinĂ©e qui n’a rien Ă  envier aux Ultras du Raja ou du Wydad !


Article écrit par François le jeudi 27 février 2020 à 16:32

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