Fidèles compagnons et fervents dĂ©fenseurs de la Nation, les pigeons voyageurs ont su s’illustrer Ă travers les siècles au rang de vĂ©ritables HĂ©ros. MĂŞme si leur utilitĂ© militaire n’est plus aujourd’hui avĂ©rĂ©e, les pigeons voyageurs ont marquĂ© l’histoire et suscitent encore l’intĂ©rĂŞt de nombreux passionnĂ©s. SituĂ© dans la partie historique de la Forteresse du Mont-ValĂ©rien, le musĂ©e de la colombophilie retrace le parcours et l’histoire de ces incroyables messagers depuis l’AntiquitĂ© jusqu’Ă nos jours.
Issu de la famille des columbidĂ©s, le pigeon voyageur se caractĂ©rise par son sens aigu de l’orientation et sa capacitĂ© Ă revenir promptement Ă son colombier. MĂŞme si tous les mystères de cette incroyable particularitĂ© n’ont pas encore Ă©tĂ© percĂ©s, la dĂ©couverte scientifique de cristaux de magnĂ©tite dans son cerveau pourrait expliquer son aptitude Ă se repĂ©rer par le champ magnĂ©tique terrestre.
Toutefois, un pigeon voyageur n’est pas performant par essence. Ses prouesses sont la rĂ©sultante d’une Ă©ducation et d’un entrainement acharnĂ©s. DiffĂ©rents croisements ont permis d’obtenir des pigeons très fidèles Ă leur colombier, rĂ©sistants Ă la fatigue et capables de voler Ă des vitesses Ă©levĂ©es. Un pigeon voyageur peut parcourir plus de 1 200 kilomètres en 16 heures. La vitesse de vol varie de 60 Ă 110 km/h, selon la direction du vent, avec des pointes Ă plus de 120 km/h. Le record connu est de 11 590 km en 24 jours entre Saigon et le nord de la France.
Le pigeon voyageur est monogame et fidèle. Les colombophiles utilisent cette particularitĂ© comme source de motivation pour l’inciter Ă revenir le plus vite possible Ă son colombier lors de lâchers plus Ă©loignĂ©s… A un dĂ©tail près : les mâles reviennent pour leurs femelles, tandis que « ces dames » ne sont motivĂ©es que par leurs petits.
A travers les siècles, les hommes ont su tirer parti de cette formidable capacitĂ© de retour, aussi bien Ă titre militaire que civil, pour transporter de petites charges dont l’acheminement est très urgent. Cependant, pour bĂ©nĂ©ficier des services d’un pigeon voyageur, il est toujours nĂ©cessaire de l’acheminer au prĂ©alable Ă son lieu de lâcher. Ainsi, ces prĂ©cieux volatiles ont, eux aussi, suivi l’Ă©volution des moyens de transport (sac Ă dos, camion, ballon, train…
. L’apparition du chemin de fer donna d’ailleurs un nouveau souffle Ă la colombophilie civile, jusqu’alors très Ă©litiste.
Un messager vieux comme le monde !
L’histoire des pigeons voyageurs remonte bien avant JC, puisque les navigateurs Ă©gyptiens utilisaient dĂ©jĂ ces messagers, trois mille ans av. JC, pour annoncer leur arrivĂ©e au port plusieurs jours Ă l’avance. Les Grecs firent de mĂŞme un peu plus tard pour communiquer les rĂ©sultats des Jeux Olympiques. En 732, Charles Martel annonça ainsi sa victoire de Poitiers sur les Sarrasins.
Au fil des siècles, les pigeons ont Ă©tĂ© employĂ©s pour acheminer de l’information dont la maĂ®trise Ă©tait alors un facteur de puissance et de richesse. D’ailleurs, jusqu’Ă l’abolition des privilèges le 4 aoĂ»t 1789, seuls les nobles et le clergĂ© avaient le droit de possĂ©der des colombiers. Au dĂ©but des deux conflits mondiaux, les Allemands s’empressèrent d’interdire la possession des pigeons voyageurs dans les territoires occupĂ©s et la punirent de mort.
Les pigeons voyageurs au service de la Nation…
L’idĂ©e de recourir aux pigeons voyageurs dans les opĂ©rations militaires remonte Ă l’AntiquitĂ©. En 43 av. JC, lors du siège de Modène, Decimius Brutus, qui dĂ©fend la citĂ©, envoie Ă Hertius des lettres attachĂ©es aux pattes de pigeons.
Pigeons espions Le pigeon voyageur a toujours jouĂ© un rĂ´le primordial dans les guerres de siège. Lors de la guerre franco-prussienne de 1870-1871 par exemple, le pigeon voyageur Ă©tait le seul moyen de communiquer avec l’extĂ©rieur pour Paris assiĂ©gĂ©. A la mĂŞme pĂ©riode, l’efficacitĂ© du pigeon voyageur fut augmentĂ©e par l’invention de la microphotographie qui permit de placer de nombreuses dĂ©pĂŞches sur un seul support. L’utilitĂ© militaire du pigeon voyageur n’est alors plus Ă prouver. Des colombiers militaires sont alors crĂ©Ă©s.
Pendant la guerre 1914-1918, plus de 30 000 pigeons sont utilisĂ©s par les armĂ©es françaises. Alors que les liaisons tĂ©lĂ©phoniques sont constamment interrompues, ces volatiles sont d’une fiabilitĂ© totale sur les courtes distances qu’ils doivent parcourir. Les pigeons deviennent mĂŞme « espions » malgrĂ© eux. L’idĂ©e de fixer sur leur poitrine des appareils lĂ©gers, Ă dĂ©clenchement automatique, permit la prise de photos stratĂ©giques des dispositifs ennemis.
Les pigeons voyageurs sont Ă nouveau employĂ©s pendant le Seconde Guerre mondiale, mais la vitesse de l’occupation allemande dĂ©sorganise les colombiers. De son cĂ´tĂ©, la rĂ©sistance eut Ă©galement recours Ă ces volatiles. Plus de 16 500 pigeons anglais furent parachutĂ©s en France, permettant aux patriotes français de renseigner Londres de manière efficace.
Tout au long de ces conflits, des actes d’hĂ©roĂŻsme ont Ă©tĂ© enregistrĂ©s et rĂ©compensĂ©s. Beaucoup de pigeons ont d’ailleurs reçu les plus hautes distinctions militaires. « Le Vaillant » reste le plus cĂ©lèbre d’entre eux. Ce hĂ©ro, citĂ© Ă l’Ordre de la Nation, transporta l’ultime message du commandant Raynal lors de la bataille du Fort de Vaux de juin 1916.
La colombophilie aujourd’hui…
MĂŞme si son utilitĂ© militaire n’est plus aujourd’hui avĂ©rĂ©e, cette capacitĂ© Ă acheminer très rapidement de petites charges est encore utilisĂ©e, pour le transport de prĂ©lèvements sanguins notamment. C’est le cas encore actuellement entre l’Ă®le d’Yeu et Les Sables-d’Olonne et entre Granville et Arromanches.
Ces précieux volatiles sont également utilisés par certains garde-côtes américains pour repérer les naufragés en mer. Grâce à un dressage approprié, ils réagissent aux couleurs vives des canots de sauvetage
En outre, l’histoire Ă©tonnante de la colombophilie a suscitĂ© au fil du temps l’intĂ©rĂŞt de nombreux passionnĂ©s, Ă titre sportif notamment. La FĂ©dĂ©ration française de colombophilie, articulĂ©e en 21 rĂ©gions, regroupe aujourd’hui près de 25 000 colombophiles, qui possèdent un cheptel de 3 millions de pigeons voyageurs. Ces derniers « s’affrontent » aujourd’hui lors de compĂ©titions nationales et internationales.
Le colombier militaire national
Les technologies modernes ayant supplantĂ© le pigeon voyageur comme moyen de communication militaire, les colombiers militaires français disparurent les uns après les autres Ă la fin des annĂ©es 60. Toutefois, un groupe d’officiers, sous l’impulsion du lieutenant-colonel Revon, plaida la cause des pigeons voyageurs jusqu’auprès du gĂ©nĂ©ral de Gaulle et obtint le maintien d’un colombier de tradition installĂ© Ă Saint-Germain-en-Laye.
Ce colombier a Ă©tĂ© transfĂ©rĂ© dans la partie historique de la Forteresse du Mont-ValĂ©rien le 1er juillet 1981. Il accueille aujourd’hui une centaine de pigeons, Ă©levĂ©s sous l’½il bienveillant du Caporal Guer. SituĂ© Ă proximitĂ© des locaux du musĂ©e de la colombophilie, il est le conservatoire de la tradition militaire colombophile et participe Ă de nombreuses compĂ©titions nationales et internationales.
Cependant, rien ne nous permet aujourd’hui d’affirmer que ces vaillants messagers ne soient pas un jour amenĂ©s Ă reprendre du service...