De 7 à 77 ans, jouer à Pigeon vole

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Ces deux-là sont amis. Entre eux, il y a de l'entraide, de la complicité, de l'émulation aussi. En âge, plus d'un demi-siècle sépare Marc Mourguet, 75 ans, de Rémi Jean, 19 ans. Mais les deux voisins, domiciliés à quelques centaines de mètres l'un de l'autre, dans le village de Cocumont, ont une passion commune qui gomme entre eux l'éventuel fossé des générations. L'un et l'autre sont colombophiles.

C'est le premier qui a initié le second. Pour autant, ils s'y sont mis quasiment en même temps, voici douze ans. Marc Mourguet avait alors 63 ans. Il avait pris depuis peu sa retraite de directeur de la cave coopérative de Cocumont. Il construisait un colombier et faisait grand bruit dans le quartier en clouant des planches. Un voisin passa par là et lui demanda ce qu'il faisait. Ce voisin se trouvait être le grand-père de Rémi, en balade avec son petit-fils. La discussion s'engage. Marc Mourguet explique son projet d'élever des pigeons voyageurs, et de faire des concours, pour occuper sa retraite. Le petit Rémi, alors âgé de sept ans, ne perd pas une miette de la conversation.

Un couple de pigeons blancs

« Et puis il a commencé à revenir régulièrement, voir mes pigeons. Visiblement, ça le passionnait » dit Marc Mourguet. L'enfant n'a que 9 ans lorsqu'il adopte un premier couple de pigeons blancs. « Le mâle est mort dans l'hiver, mais la femelle a fait souche » se souvient l'intéressé, devenu aujourd'hui un jeune homme. Il ajoute : « Le sang de ces pigeons coule encore dans les veines de ceux que j'ai aujourd'hui.»

Aujourd'hui il possède une cinquantaine de volatiles. Marc Mourguet, pour sa part, en a une centaine... et à eux deux, ils raflent pas mal de titres et de points tant lors des concours de beauté (où on évalue les critères de race) que lors des concours sportifs proprement dits : épreuves de vitesse, de demi-fond, de fond, ou de grand fond.

De la même façon, l'un et l'autre se sont pris au jeu de l'élevage, de l'amélioration des performances par la sélection : un travail auquel il faut se tenir toute l'année. C'est une des facettes de leur passion. L'autre facette, ce sont les courses proprement dites et, là encore, l'un et l'autre vibrent de la même façon au moment des épreuves.

Ça fait toc, toc, toc

Les concours qui prennent le plus « aux tripes », ce sont ceux de fond et de grand fond. Le concours d'Anvers, par exemple : 840 km de distance. Les oiseaux concurrents font l'objet d'un ramassage, en camion, dans toute la France. Ils sont libérés tous en même temps, à 7 heures du matin, à Anvers. Commence alors pour les colombophiles, restés chez eux, une journée d'attente, de tension, d'espoir et de crainte. « Si votre pigeon est doué, vous avez des chances de le voir revenir le jour même, vers 17 ou 18 heures ! » Les moins forts ne rentreront que le lendemain matin, mais tout de même... « Vous n'imaginez pas ce que ça peut faire, quand vous le voyez apparaître dans le ciel et rentrer comme si de rien n'était dans son colombier. Le coeur vous monte à la gorge ; ça fait toc, toc, toc ». Quand il en parle, Marc Mourguet a la larme à l'oeil. D'abord, explique-t-il, on est très ému, et soulagé, de voir « ce petit animal auquel on est attaché » revenir sain et sauf. Car il y a des dangers en route : les orages, l'excès de vent, ou d'éventuelles attaques de rapaces.

Ensuite, ajoute-t-il, on est admiratif, forcément, devant la performance sportive du pigeon qui, avec ses quatre ou cinq cents grammes de muscles et de plumes, vient de traverser la France en une douzaine d'heures.

Respect

Rémi Jean se souvient de son premier grand concours : « En 2005, le concours de Caen, à 535 km. Toute la journée, j'étais persuadé que j'avais envoyé mon pigeon à la mort et que je ne le reverrais jamais. Mais il est bien rentré et, en plus, c'est lui qui a gagné le concours ! »
Auteur : Christine Caubet-Boullière


Article écrit par François le dimanche 27 septembre 2009 à 08:00

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