Chartres : pour se débarrasser des pigeons, offrons-leur un toit !

art_p10757.jpg
Un nouveau pigeonnier va être installé sur « l'île » de la prairie des Grandes- Filles-Dieu, pour retenir les pigeons sauvages et maîtriser leur prolifération. Un autre de ces asiles à palombes fait déjà cet office à la Petite Venise.


Il roucoule doucement sur les gouttières, fondant sa plume grise sur le gris des toits. Il circule en touriste sur les pavés, dodelinant du chef à la recherche de miettes de pain baignées de graisse alimentaire. Il se pose un peu partout et se reproduit à vitesse grand V : qu'il soit biset ou - plus rarement - ramier, le pigeon des villes est un Chartrain assez discret mais... plutôt encombrant. Car dans sa fiente, déjà envahissante et malodorante, se trouve en outre une substance abrasive et corrosive : l'azote ammoniaqué. C'est pourquoi la lutte contre le pigeon est devenue une affaire politique, dans la plupart des villes qui en sont habitées.

Attirer le pigeon sauvage « chez » les domestiques
Chartres ne fait pas exception, qui possède son lot de ces volatiles classés, dans certains départements, comme nuisibles (s'agissant des palombes). Afin d'endiguer leur prolifération, la ville avait donc, depuis plusieurs années, le projet... de leur donner asile. Paradoxe ? Point. L'affaire est toute simple mais il faut être spécialiste de l'oiseau pour en saisir la finalité. C'est pourquoi le marché a été confié à la société mancelle Sogepi - Société de gestion de pigeonniers -, référence en la matière.
« L'idée est d'installer un pigeonnier déjà habité d'oiseaux sédentaires blancs et bagués. Ceux-ci nicheront là en toute tranquillité, nourris, logés, blanchis en quelque sorte, puisque leur pigeonnier sera régulièrement et méticuleusement entretenu », explique Alain Détournay, directeur du Centre technique municipal : « C'est ainsi que les pigeons sauvages vont être attirés par la nourriture et le confort dont bénéficieront leurs congénères "domestiques" et viendront à leur tour nicher dans leur demeure. Dès lors, la société Sogepi viendra traiter systématiquement 90 % des oeufs, de manière à n'en laisser naître que 10 % et réduire ainsi petit à petit la population de ces oiseaux sur la ville. »

Endiguer la prolifération sans l'éradiquer
Réduire la population... et non l'éradiquer car, ainsi que l'explique Isabelle Ménard, élue en charge du cadre de vie, « le pigeon a sa place en ville à condition d'en maîtriser le nombre. Il faut donc ramener la situation à quelque chose de raisonnable. » De fait : rien que de la place Saint-André à la place Saint-Pierre, Sogepi a dénombré quelque 400 à 600 volatiles sauvages... De quoi agacer un peu les riverains, victimes de tâches disgracieuses qui, en outre, rongent leurs balcons ou les toits de leurs voitures. C'est donc la raison pour laquelle le futur pigeonnier sera installé sur « l'île » de la prairie des Grandes-Filles-Dieu, en basse ville.
C'est aussi la raison pour laquelle la ville a fait appel à ladite Sogepi, qui propose des méthodes de valorisation de leur fiente (voir ci-dessous), transformée en engrais. « Par ailleurs, nous nous préoccupons aussi du domaine privé et avons écrit à plusieurs propriétaires des zones "attaquées" de la ville pour qu'ils occultent les trous par lesquels les pigeons entrent dans leurs greniers ou leur dépendance », conclut Alain Détournay.
Dès lors, grâce à toutes ces mesures, la ville espère bien finir par... pigeonner le pigeon !




La fiente des pigeons : un engrais en or


« La fiente de pigeons, c'est de l'or ! » Voilà environ cinq ans que Gérard Granger, l'un des patrons de la Sogepi, au Mans, a pris conscience de l'efficacité de la fiente de ces volatiles pour en faire de l'engrais. « Le mélange : tonte de pelouse, petits végétaux broyés plus fiente produit un engrais qui vaut dix fois l'azote utilisé pour faire pousser les betteraves. Avant de le savoir, nous jetions tout... Désormais, on sait que deux sacs de 50 litres de fiente tous les trois mois sont plus intéressants économiquement et écologiquement que n'importe quel autre engrais - y compris le guano de bord de mer ! »

Car la fiente de pigeons contient de l'azote ammoniaqué - celui-là même qui dégrade les monuments et rouille les carrosseries de voiture... « La ville de Chartres a tout compris : nous sommes en pourparlers pour apprendre aux services techniques comment réutiliser les fientes récoltées dans les deux pigeonniers que nous leur installons. Et sinon, nous pouvons aussi la récupérer nous-mêmes et la stocker chez nous », poursuit Gérard Granger, heureux de constater que le conseil général d'Eure-et-Loir, lui aussi, semble intéressé par ses pigeonniers régulateurs de population... Aujourd'hui, le Manceau a même rendez-vous à Chartres pour évoquer l'installation de deux autres pigeonniers pour le compte du département.

Gaëlle Chalude


Article écrit par François le mercredi 6 mai 2009 à 17:18

[ Imprimer ] - [ Fermer la fenêtre ]