Quand le pigeon n'est pas celui que l'on croyait

Article paru dans l'édition du 21 avril 1994 du journal L'humanité.
Les sénateurs ont passé leur temps, hier, à dépoussiérer le statut des pigeons voyageurs. Une drôle d'histoire. Pas du tout désuète et davantage d'actualité qu'on ne le croirait, même si, plus l'informatique prenait son élan, plus le statut, lui, prenait du plomb dans l'aile.

Il était temps de s'apercevoir que le statut du pigeon voyageur n'a plus grand-chose à voir, de nos jours, avec les prérogatives de la défense nationale. Une autre époque celle où, héros de guerre, le pigeon, qui arborait la devise « franchir ou mourir », faisait l'objet d'un véritable culte militaire. Presqu'un autre siècle celui où, au lendemain de la Première Guerre mondiale, le volatile Vaillant, matricule 787, était cité à l'Ordre de la nation, avec la mention : « Fortement intoxiqué par les gaz, il a réussi à remplir sa mission », avant d'être empaillé puis exposé, d'abord aux Invalides, enfin au musée du mont Valérien.

Le pigeon voyageur a servi à tout. Et d'abord à communiquer. Les Grecs l'utilisaient pour faire connaître de par le monde les résultats des jeux Olympiques. C'est par son vol à tire-d'aile que les partisans de Charles Martel apprirent la victoire de Poitiers sur les Sarrazins et que Marie-Antoinette communiquait avec ses conseillers depuis sa prison. Quant à la famille Rothschild, elle lui doit une fière chandelle, puisque c'est grâce à ce volatile qu'elle réussit un remarquable exploit boursier, en apprenant, avec trois jours d'avance sur ses concurrents, l'échec de Napoléon à Waterloo...

Aujourd'hui, l'âge d'or du pigeon voyageur est révolu. Il n'y a plus que la NASA qui les utilise pour repérer ses naufragés dans l'océan. Pour le reste, ils sont attachés à un loisir, une passion. Ainsi, 28.000 personnes sont-elles colombophiles en France. Et cette tradition, relayée par quelques 900 associations, existe surtout dans les régions où l'exploitation de la mine faisait vivre les hommes, que ce soit dans le Nord, dans le Pas-de-Calais ou en Lorraine...

Désormais, même si cette activité devra s'effectuer « sans mettre en danger la sécurité de la nation », son contrôle ne passera plus par les ministères de l'Intérieur et de la Défense, mais directement par les associations de colombophilie. Quand même, l'Intérieur gardera un oeil, histoire de prévenir d'éventuels trafics de drogue, comme celui, découvert en 1991 par les douaniers, qui s'était établi entre la France et la Hollande...


Article écrit par Thierry le vendredi 3 juin 2005 à 19:54

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